L’union des compositeurs Lawrence English et loscil aka Scott Morgan est transparente, sublime et attendue depuis longtemps. Né d’une conversation centrée sur la notion de « sources riches » comme forge pour la musique électronique, Colours Of Air est une collection d’enregistrements d’un orgue à tuyaux vieux d’un siècle, conservé dans l’historique Old Museum de Brisbane, en Australie, qui ont ensuite été traités, transformés et élevés en huit majestueux dévouements électroacoustiques de seuil. Le timbre de l’instrument et les fluctuations spatiales de la tonalité de la pièce insufflent à la musique une ambiance tamisée et sacrée, comme la lumière d’une voûte dans une nef de vitraux.
Ils décrivent l’album comme « un projet itératif, une réduction et une éventuelle expansion », passant au crible les sons et les bourdonnements de l’orgue pour y trouver la moindre nuance de rayonnement.
Les morceaux sont nommés en fonction de la teinte qu’ils suggèrent – du miasme vaporeux de « Yellow » au mirage mélancolique pulsant de « Violet » en passant par la tempête de sable bouillonnante et crépusculaire de « Magenta ». Morgan et English sont tous deux capables d’évoquer des ambiances d’une grandeur sourde, comme des paysages voilés dans le crépuscule, mais toujours menaçants et lumineux. Ici, leurs pouvoirs combinés ouvrent des voies vers des domaines plus élevés d’écoute profonde et de retenue envoûtante, trouvant des infinités vacillantes dans des configurations anciennes de vent, de laiton, de pierre et de poussière.
LOSCIL est le projet de musique électronique du compositeur et artiste multimédia canadien Scott Morgan. Depuis plus de 20 ans, Morgan a construit un solide catalogue d’œuvres sous le nom de LOSCIL, couvrant vaguement les genres de la musique ambiante, classique et électroacoustique. Depuis 2001, la grande majorité des albums de LOSCIL, y compris l’album de 2021, Clara, sont sortis sur la prestigieuse maison de disques américaine Kranky.
Lawrence English est un compositeur, artiste et conservateur basé en Australie. Travaillant sur un éventail éclectique d’investigations esthétiques, le travail de Lawrence English soulève des questions sur le champ, la perception et la mémoire. Il étudie la politique de la perception, à travers le spectacle vivant et l’installation, pour créer des œuvres qui réfléchissent aux transformations subtiles de l’espace et demandent au public de prendre conscience de ce qui existe à la limite de la perception.
Pour qui suit l’aventure musicale des Marquises et le travail de son maître d’œuvre, Jean-Sébastien Nouveau, la surprise est souvent au rendez-vous. Soleils noirs, le cinquième album d’une discographie entamée en 2010, ne déroge pas à la règle et fascine autant qu’il étonne. Changement de cap pour Jean- Sébastien Nouveau : après trois albums inauguraux où il s’entourait de musiciens réputés de la sphère indé (Jordan Geiger sur Lost, Lost, Lost, Etienne Jaumet ou Benoît Burello sur Pensée magique, Matt Elliott, Olivier Mellano ou Christian Quermalet sur A Night Full of Collapses), et dans la foulée d’un quatrième disque célébré par la critique et élaboré de concert avec son acolyte de toujours, Martin Duru (La Battue, 2020), il a choisi de resserrer encore la formule et de voguer seul, comme une recherche d’intimité poussée toujours plus loin. Soleils noirs est une plongée dans son univers propre, même si le musicien lyonnais s’est tout de même accompagné de la violoniste Agathe Max, déjà présente sur A Night full of collapses et qui est l’unique intervenante extérieure du disque. Sur le plan musical aussi, ce nouvel opus des Marquises prend la tangente et s’émancipe des cadres imposés. Alors que La Battue creusait une veine résolument pop, croisant les mélodies hantées et les rythmiques tribales qui sont la marque de fabrique du groupe, Soleils Noirs bifurque vers l’ambient, en un parti-pris osé et assumé tout du long. Ce registre, Jean-Sébastien Nouveau l’avait déjà défriché dans des créations antérieures ; il le laisse pleinement se déployer à présent.